la route ne me semble captivante que si j’ignore le but où elle me conduit.
Alexandra David-Néel (1868-1969)
Homme né PQF, perdu dans sa peinture, sa question, la vie, l’univers. Le regard embué par un afflux de sensations et le Flou d’être. Face à un paysage de peinture, les pieds dedans. Dans quoi ?
Chaque surface de cette série de 40X40, est un instantané de peinture, dans lequel j’essaye d’entrevoir quelque chose qui me béquille pour une suite, pour un peu plus loin. J’avance en aveugle avec une espérance folle floue affolée de trouver la vue au hasard du chemin.
L’idée se compose ou/et se décompose dans un format de 40X40 (bois, lin, papier, encre, couleurs huiles et autres), cadre que je m’impose pour y perdre l’ « homme en texte et, de papier ». Un collage-décollage répété d’une forme humaine dans du papier encré mots, ou pas, assez ridicule cul à l’air, nu ou à nu, perdu ou à découvert, qui fait face à ce « paysage de peinture » que je décide déluré, non maîtrisé, ludique… et surtout, libre. Sujet homme accessoire, mais affirmé. Décroché du fil de mon histoire, ou de toute autre Histoire.
Suspendu au fil d’un funambule égaré dans l’espace d’une vie.
Au clair de terre
Faire belle la fêlure ou la bavure, donner du sens, une sorte de sens aux ratures et au Flou, le hasard dont j’use comme outil, travaille la matière, les couleurs et volumes, des lumières. Je joue mon orchestration sans partition faite d’estompes répétées, insistantes, ponctuées de déchirements et ponçage, sur et avec des éponges brosses papiers imprimés ou autrement usinés, toile et sable et bois que je symbolise, que je paradigme, que j’anime dans des assemblages acrobatiques-chromatiques tenue par des mélanges improbables, mes sauces collantes épaisses ou fluides, dotées de parfums entêtants qui me bouffent le foie et me saturent la tête jusqu’à me déséquilibrer sur mon fil.
Je jongle avec le hasard, que je répète et répète jusqu’à obtenir quelque chose. LE « quelque chose » de flou, qui me va. Un truc qui me touche, me surprend si possible et, parfois par hasard, qui correspond à une vague attente. Vague avec écume. Étrangement, ma peinture du hasard et du flou, devient de plus en plus technique, complexe, ritualisée et blindée de procédures. Les produits, couleurs, liants et diluants, les supports, les outils bricolés, les gestes réflexes, se multiplient et s’ordonnent au service d’un hasard que je pousse à bout et au bout de mon idée, floue. Une alchimie du hasard saturée d’une poésie aléatoire, PQF.
Je développe et bouge cette idée en apesanteur sur ma planète PQF exempte de dessus et dessous, à l’atmosphère comme vide et pourtant pleine. Idée de matière spontanée et pensées spontanées, construites en "poupées russes".
Ou bien ?
Moi en morceaux ? Un puzzle avec tas de pièces qui ne s’assemblent pas…
Je,
me dessine un cadre où je décide une création quasi instantanée. C’est du plaisir à faire, un relâchement de l’égo autant que des techniques et de mes habitudes. Un lâché de pensées fébriles et inconséquentes. Instantanée ou presque ça.
Je me glisse – couleurs huile - dans les interstices du temps. Huile et gras : le liant qui dilue mon travail. Equipé d'un savoir-faire tout personnel, je m'enfonce dans une idée de lumière comme d'autres, dans une jungle. Je déborde du trait, du cadre. Je me centre, dans la marge.
Comme des apnées colorées et folles, tout participe à mon effort de création. Un blabla que je travaille ponce estompe brise comme ma peinture. Comme tout ce que je crée et pense PQF, équipé du hasard que je sollicite par répétition, obsessionnelle, incantatoire. Un effet visible-lisible à ceux qui lisent et fréquentent régulièrement le PQF. Des couches et des couches qui donnent cet effet flou, dû au glacis. Il laisse passer les lumières, qui dévient, devissent et se perdent, se courbent s’entrecroisent ou se percutent.
Je : mutile, éparpillé, flou, unique et universel, moi, l'autre, tous et personne, nulle part et partout. En vie ...
Je ne vois et ressens comme chaque être doué de vie sur cette terre et ailleurs, brin d’herbe compris, qu’une partie infime de ce qui est vraiment. Le prisme de perception, animal, presque figé, mon peu de sens et leurs limites, n’autorisent qu’une compréhension tronquée de ce vaste bordel dont je fais partie.
Peut-être : L’Art, la création humaine et nos visions hasardeuses, ne sont que nos tentatives - illusoires ou pas ? – de déconstruire et reconstruire modèles et hypothèses, d’ouvrir des fenêtres fantômes, poétiques, moduler le prisme, crever temps ou/et espace pour plonger dans d’autres atmosphères à explorer en apnée, afin de découvrir fissures et échappatoires, pour échappées belles, à cette réalité.
Je,
tellement nulle part, moins perdu que parti dans un voyage improbable, transporté par mes couleurs et des matières, dedans une lumière piégée et moi enfermé dans le cadre d’un processus créatif. Je fomente une évasion. Me sauver de mon ego. Sorte d’armure… qui ne protège de rien. Ou moins que ça ? Être nu, dans Presque Rien, et enfin Tout voir.
Je peins un homme perdu, mais sans la peur. Fondue décomposée pétrifiée colorisée. Perdu parce qu’imagine tout possible autant que son contraire, le Flou (quantique ou pas) bricolé en forme de « ? ».
Un point sans attache survolé par un crochet qui me suspend dans mon atmosphère. PQF ? Pourquoi faire ? Pour Quoi Faire ?
Un mouvement – tremblé, divagant, trébuchant – artistique. Mouvement souterrain et aérien, incognito, interlope, équivoque, tout ça forcément parce qu’avant tout :
Poétique, et quelque part
Quantique comme tout et rien et, définitivement
Flou ?
LE
précipité d’une alchimie sans queue ni tête. Ma poésie Floue. Curieux, questionné de la tête aux pieds. Questionné par la vie et son processus créatif, moi inclus.
Hommes en texte, et de papier, encrent la page et m’ancrent dans ?
Moi ?
Ancré-encré dans le tableau - impression à jet d’encre, noire, un dessin en mine de plomb repassé au scan chaud dans les lignes d’un texte - représentation « instantanée » de ma perte absolue, volontaire et salutaire. Même pas moi...
Qu’un homme,
en texte et de papier,
qui s’empreinte dans quelques effets
de couleurs et de matières.
Un voyage extralucide, en quelque sorte… pour me sauver de mon égo ? Voyage flou fou affolé d’un explorateur dévoré par mille fièvres extra-exotiques ? Tout cela, Pour Quoi Faire ? Pour essayer modestement de comprendre, mieux, juste quelques miettes de Tout et Rien…. Là-dedans moi, suspendu sur le fil, ici-bas, avant chute.
Poils aux peluches !